Fables de La Fontaine

XVI

LE CHEVAL ET L’ANE.

En ce monde il se faut l’un l’autre secourir:
Si ton voisin vient à mourir,
C’est sur toi que le fardeau tombe.
Un âne accompagnoit un cheval peu courtois,
Celui-ci ne portant que son simple harnois,
Et le pauvre baudet si chargé qu’il succombe.
Il pria le cheval de l’aider quelque peu;
Autrement il mourroit devant qu’être à la ville.
La prière, dit-il, n’en est pas incivile:
Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu.
Le cheval refusa, fit une pétarade;
Tant qu’il vit sous le faix mourir son camarade,
Et reconnut qu’il avoit tort.
Du baudet en cette aventure
On lui fit porter la voiture,
Et la peau par-dessus encor.