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Fables de La Fontaine
IX
LE RAT ET L’HUÎTRE.
Un rat, hôte d’un champ, rat de peu de cervelle,
Des lares paternels un jour se trouva soûl.
Il laisse là le champ, le grain, et la javelle,
Va courir le pays, abandonne son trou.
Sitôt qu’il fut hors de la case:
Que le monde, dit-il, est grand et spacieux!
Voilà les Apennins, et voici le Caucase!
La moindre taupinée étoit mont à ses yeux.
Au bout de quelques jours, le voyageur arrive
En un certain canton où Téthys sur la rive
Avoit laissé mainte huître; et notre rat d’abord
Crut voir, en les voyant, des vaisseaux de haut bord.
Certes, dit-il, mon père étoit un pauvre sire!
Il n’osoit voyager, craintif au dernier point.
Pour moi, j’ai déjà vu le maritime empire:
J’ai passé les déserts, mais nous n’y bûmes point.
D’un certain magister le rat tenoit ces choses,
Et les disoit à travers champs;
N’étant pas de ces rats qui, les livres rongeants,
Se font savants jusques aux dents.
Parmi tant d’huîtres toutes closes
Une s’étoit ouverte, et, bâillant au soleil,
Par un doux zéphyr réjouie,
Humoit l’air, respiroit, étoit épanouie,
Blanche, grasse, et d’un goût, à la voir, nonpareil.
D’aussi loin que le rat voit cette huître qui bâille:
Qu’aperçois-je? dit-il; c’est quelque victuaille!
Et, si je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd’hui bonne chère, ou jamais.
Là-dessus, maître rat, plein de belle espérance,
Approche de l’écaille, allonge un peu le cou,
Se sent pris comme aux lacs; car l’huître tout d’un coup
Se referme. Et voilà ce que fait l’ignorance.
Des lares paternels un jour se trouva soûl.
Il laisse là le champ, le grain, et la javelle,
Va courir le pays, abandonne son trou.
Sitôt qu’il fut hors de la case:
Que le monde, dit-il, est grand et spacieux!
Voilà les Apennins, et voici le Caucase!
La moindre taupinée étoit mont à ses yeux.
Au bout de quelques jours, le voyageur arrive
En un certain canton où Téthys sur la rive
Avoit laissé mainte huître; et notre rat d’abord
Crut voir, en les voyant, des vaisseaux de haut bord.
Certes, dit-il, mon père étoit un pauvre sire!
Il n’osoit voyager, craintif au dernier point.
Pour moi, j’ai déjà vu le maritime empire:
J’ai passé les déserts, mais nous n’y bûmes point.
D’un certain magister le rat tenoit ces choses,
Et les disoit à travers champs;
N’étant pas de ces rats qui, les livres rongeants,
Se font savants jusques aux dents.
Parmi tant d’huîtres toutes closes
Une s’étoit ouverte, et, bâillant au soleil,
Par un doux zéphyr réjouie,
Humoit l’air, respiroit, étoit épanouie,
Blanche, grasse, et d’un goût, à la voir, nonpareil.
D’aussi loin que le rat voit cette huître qui bâille:
Qu’aperçois-je? dit-il; c’est quelque victuaille!
Et, si je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd’hui bonne chère, ou jamais.
Là-dessus, maître rat, plein de belle espérance,
Approche de l’écaille, allonge un peu le cou,
Se sent pris comme aux lacs; car l’huître tout d’un coup
Se referme. Et voilà ce que fait l’ignorance.
Cette fable contient plus d’un enseignement:
Nous y voyons premièrement
Que ceux qui n’ont du monde aucune expérience
Sont, aux moindres objets, frappés d’étonnement;
Et puis nous y pouvons apprendre
Que tel est pris qui croyoit prendre.
Nous y voyons premièrement
Que ceux qui n’ont du monde aucune expérience
Sont, aux moindres objets, frappés d’étonnement;
Et puis nous y pouvons apprendre
Que tel est pris qui croyoit prendre.