Fables de La Fontaine

XIII

LES VOLEURS ET L’ANE.

Pour un âne enlevé deux voleurs se battoient:
L’un vouloit le garder, l’autre le vouloit vendre.
Tandis que coups de poings trottoient,
Et que nos champions songeoient à se défendre,
Arrive un troisième larron
Qui saisit maître Aliboron[6].
L’âne, c’est quelquefois une pauvre province:
Les voleurs sont tel et tel prince,
Comme le Transylvain, le Turc et le Hongrois.
Au lieu de deux, j’en ai rencontré trois:
Il est assez de cette marchandise.
De nul d’eux n’est souvent la province conquise:
Un quart[7] voleur survient, qui les accorde net
En se saisissant du baudet.