
(La petite voiture que l'on voit, après avoir servi au père de Sœur Thérèse-de l'Enfant-Jésus, pendant ses années d'infirmité, fut donnée au Carmel.
C'est dans cette voiture que la servante du Dieu, malade, et installée à cette même place, écrivit les dernières pages de sa «Vie».)
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Une novice demandait à plusieurs sœurs de lui aider à secouer des couvertures, et leur recommandait, un peu vivement, de veiller à ne pas les déchirer, parce qu'elles étaient passablement usées. Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus dit:
«Que feriez-vous si vous n'étiez pas chargée de raccommoder ces couvertures?... Comme vous agiriez avec dégagement d'esprit! Et, si vous faisiez remarquer qu'elles sont faciles à déchirer, comme ce serait sans attache! Ainsi, qu'en toutes vos actions ne se glisse jamais la plus légère ombre d'intérêt personnel.»
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Voyant une de nos sœurs très fatiguée, je dis à ma sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus: «Je n'aime pas à voir souffrir, surtout les âmes saintes.» Elle reprit aussitôt:
«Oh! je ne suis pas comme vous! Les saints qui souffrent ne me font jamais pitié! Je sais qu'ils ont la force de supporter leurs souffrances, et qu'ils donnent ainsi une grande gloire au bon Dieu; mais ceux qui ne sont pas saints, qui ne savent pas profiter de leurs souffrances, oh! que je les plains! ils me font pitié ceux-là! Je mettrais tout en œuvre pour les consoler et les soulager.»
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«Si je devais vivre encore, l'office d'infirmière serait celui qui me plairait davantage. Je ne voudrais pas le solliciter; mais s'il me venait directement de l'obéissance, je me croirais bien privilégiée. Il me semble que je le remplirais avec un tendre amour, pensant toujours à ce que dit Nôtre-Seigneur: «J'étais malade et vous m'avez visité.»[165] La cloche de l'infirmerie devrait être pour vous une mélodie céleste. Il faudrait passer tout exprès sous les fenêtres des malades, pour leur donner la facilité de vous appeler et de vous demander des services. Ne devez-vous pas vous considérer comme une petite esclave à laquelle tout le monde a le droit de commander? Si vous voyiez les Anges qui, du haut du ciel, vous regardent combattre dans l'arène! Ils attendent la fin de la lutte, pour vous couvrir de fleurs et de couronnes. Vous savez bien que nous prétendons être de petits martyrs: à nous de gagner nos palmes!
«Le bon Dieu ne méprise pas ces combats ignorés et d'autant plus méritoires: «L'homme patient vaut mieux que l'homme fort, et celui qui dompte son âme vaut mieux que celui qui prend des villes.»[166]
«Par nos petits actes de charité pratiqués dans l'ombre, nous convertissons au loin les âmes, nous aidons aux missionnaires, nous leur attirons d'abondantes aumônes; et, par là, nous construisons de véritables demeures spirituelles et matérielles à Jésus-Hostie.»
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J'avais vu notre Mère parler de préférence à l'une de nos sœurs et lui témoigner, me semblait-il, plus de confiance et d'affection qu'à moi. Je racontais ma peine à sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, croyant recevoir de sympathiques condoléances, lorsqu'à ma grande surprise elle me dit:
«Vous croyez aimer beaucoup notre Mère?
—Certainement! Si je ne l'aimais pas, il me serait indifférent de lui voir préférer les autres à moi.
—Eh bien, je vais vous prouver que vous vous trompez absolument: ce n'est pas notre Mère que vous aimez, c'est vous-même.
«Lorsqu'on aime réellement, on se réjouit du bonheur de la personne aimée, on fait tous les sacrifices pour le lui procurer. Donc, si vous aviez cet amour véritable et désintéressé, si vous aimiez notre Mère pour elle-même, vous vous réjouiriez de lui voir trouver du plaisir à vos dépens; et, puisque vous pensez qu'elle a moins de satisfaction à parler avec vous qu'avec une autre, vous ne devriez pas avoir de peine lorsqu'il vous semble être délaissée.»
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Je me désolais de mes nombreuses distractions dans mes prières:
«Moi aussi, j'en ai beaucoup, me dit-elle, mais aussitôt que je m'en aperçois, je prie pour les personnes qui m'occupent l'imagination, et ainsi elles bénéficient de mes distractions.
«... J'accepte tout pour l'amour du bon Dieu, même les pensées les plus extravagantes qui me viennent à l'esprit.»
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On m'avait demandé une épingle qui m'était très commode, et je la regrettais. Elle me dit alors:
«Oh! que vous êtes riche! vous ne pouvez pas être heureuse!»
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Etant chargée de l'ermitage de l'Enfant-Jésus, et sachant que les parfums incommodaient une de nos Mères, elle se priva toujours d'y mettre des fleurs odorantes, même une petite violette, ce qui fut matière à de vrais sacrifices.
Un jour qu'elle venait de placer une belle rose artificielle au pied de la statue, notre bonne Mère l'appela. Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, devinant bien que c'était pour lui faire enlever la rose, et ne voulant pas l'humilier, prit la fleur et, prévenant toute réflexion, elle lui dit:
«Voyez, ma Mère, comme on imite bien la nature aujourd'hui. Ne dirait-on pas que cette rose vient d'être cueillie dans le jardin?»
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Elle disait un jour:
«Il y a des instants où l'on est si mal chez soi, dans son intérieur, qu'il faut se hâter d'en sortir. Le bon Dieu ne nous oblige pas alors à rester en notre compagnie. Souvent même, il permet qu'elle nous soit désagréable, pour que nous la quittions. Et je ne vois pas d'autre moyen de sortir de chez soi que d'aller rendre visite à Jésus et à Marie, en courant aux œuvres de charité.»
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«Ce qui me fait du bien, lorsque je me représente l'intérieur de la sainte Famille, c'est de penser à une vie tout ordinaire.
«La sainte Vierge et saint Joseph savaient bien que Jésus était Dieu, mais de grandes merveilles leur étaient néanmoins cachées, et, comme nous, ils vivaient de la foi. N'avez-vous pas remarqué cette parole du texte sacré: «Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait[167]», et cette autre non moins mystérieuse: «Ses parents étaient dans l'admiration de ce qu'on disait de lui[168]»? Ne croirait-on pas qu'ils apprenaient quelque chose? car cette admiration suppose un certain étonnement.»
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«A Sexte, il y a un verset que je prononce tous les jours à contre-cœur. C'est celui-ci: «Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in æternum, propter retributionem.»[169]
«Intérieurement je m'empresse de dire: «O mon Jésus, vous savez bien que ce n'est pas pour la récompense que je vous sers; mais uniquement parce que je vous aime et pour sauver des âmes.»
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«Au ciel seulement nous verrons la vérité absolue en toutes choses. Sur la terre, même dans la sainte Ecriture, il y a le côté obscur et ténébreux. Je m'afflige de voir la différence des traductions. Si j'avais été prêtre, j'aurais appris l'hébreu, afin de pouvoir lire la parole de Dieu telle qu'il daigna l'exprimer dans le langage humain.»
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Elle me parlait souvent d'un jeu bien connu, avec lequel elle s'amusait dans son enfance. C'était un kaléidoscope, sorte de petite longue-vue, à l'extrémité de laquelle on aperçoit de jolis dessins de diverses couleurs; si l'on tourne l'instrument, ces dessins varient à l'infini.
«Cet objet, me disait-elle, causait mon admiration, je me demandais ce qui pouvait produire un si charmant phénomène; lorsqu'un jour, après un examen sérieux, je vis que c'étaient simplement quelques petits bouts de papier et de laine jetés ça et là, et coupés n'importe comment. Je poursuivis mes recherches et j'aperçus trois glaces à l'intérieur du tube. J'avais la clef du problème.
«Ce fut pour moi l'image d'un grand mystère: Tant que nos actions, même les plus petites, ne sortent pas du foyer de l'amour, la Sainte Trinité, figurée par les trois glaces, leur donne un reflet et une beauté admirables. Jésus, nous regardant par la petite lunette, c'est-à-dire comme à travers lui-même, trouve nos démarches toujours belles. Mais, si nous sortons du centre ineffable de l'amour, que verra-t-il? Des brins de paille... des actions souillées et de nulle valeur.»
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Un jour, je racontais à sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus les phénomènes étranges produits par le magnétisme sur les personnes qui veulent bien remettre leur volonté au magnétiseur. Ces détails parurent l'intéresser vivement, et le lendemain elle me dit:
«Que votre conversation d'hier m'a fait de bien! Oh! que je voudrais me faire magnétiser par Nôtre-Seigneur! C'est la première pensée qui m'est venue à mon réveil. Avec quelle douceur je lui ai remis ma volonté! Oui, je veux qu'il s'empare de mes facultés, de telle sorte que je ne fasse plus d'actions humaines et personnelles, mais des actions toutes divines, inspirées et dirigées par l'Esprit d'amour.»
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Avant ma profession, je reçus par ma sainte Maîtresse une grâce bien particulière. Nous avions lavé toute la journée et j'étais brisée de fatigue, accablée de peines intérieures. Le soir avant l'oraison, je voulus lui en dire deux mots, mais elle me répondit:
«L'oraison sonne, je n'ai pas le temps de vous consoler; d'ailleurs je vois clairement que j'y prendrais une peine inutile, le bon Dieu veut que vous souffriez seule pour le moment.»
Je la suivis à l'oraison, dans un tel état de découragement que, pour la première fois, je doutai de ma vocation. «Jamais je n'aurai la force d'être carmélite, me disais-je, c'est une vie trop dure pour moi!»
J'étais à genoux depuis quelques minutes, dans ce combat et ces tristes pensées, quand tout à coup, sans avoir prié, sans même avoir désiré la paix, je sentis en mon âme un changement subit, extraordinaire; je ne me reconnaissais plus. Ma vocation m'apparut belle, aimable; je vis les charmes, le prix de la souffrance. Toutes les privations et les fatigues de la vie religieuse me semblèrent infiniment préférables aux satisfactions mondaines; enfin, je sortis de l'oraison absolument transformée.
Le lendemain, je racontai à ma sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus ce qui s'était passé la veille; et comme elle paraissait très émue, je voulus en savoir la cause.
«Ah! que Dieu est bon! me dit-elle alors. Hier soir, vous me faisiez une si profonde pitié que je ne cessai point, au commencement de l'oraison, de prier pour vous, demandant à Notre-Seigneur de vous consoler, de changer votre âme et de vous montrer le prix des souffrances. Il m'a exaucée!»
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Comme je suis enfant de caractère, le petit Jésus m'inspira, pour m'aider à pratiquer la vertu, de m'amuser avec lui. Je choisis le jeu de quilles. Je me les représentais de toutes grandeurs et de toutes couleurs, afin de personnifier les âmes que je voulais atteindre. La boule du jeu, c'était mon amour.
Au mois de décembre 1896, les novices reçurent, au profit des missions, différents bibelots pour leur arbre de Noël. Et voilà que, par hasard, il se trouva au fond de la boîte enchantée un objet bien rare au Carmel: une toupie. Mes compagnes dirent: «Que c'est laid! A quoi cela peut-il servir?» Moi qui connaissais bien le jeu, j'attrapai la toupie en m'écriant: «Mais c'est très amusant! ça pourrait marcher une journée entière sans s'arrêter, moyennant de bons coups de fouet!» Et là-dessus je me mis en devoir de leur donner une représentation qui les jeta dans l'étonnement.
Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus m'observait sans rien dire, et, le jour de Noël, après la Messe de Minuit, je trouvai dans notre cellule la fameuse toupie avec cette petite lettre dont l'enveloppe portait comme adresse:
A ma petite épouse chérie,
JOUEUSE DE QUILLES sur la Montagne du Carmel.
Nuit de Noël 1896.
Ma petite épouse chérie,
«Ah! que je suis content de toi! Toute l'année tu m'as beaucoup amusé en jouant aux quilles. J'ai eu tant de plaisir que la cour des anges en était surprise et charmée. Plusieurs petits chérubins m'ont demandé pourquoi je ne les avais pas faits enfants; d'autres ont voulu savoir si la mélodie de leurs instruments ne m'était pas plus agréable que ton rire joyeux, lorsque tu fais tomber une quille avec la boule de ton amour. J'ai répondu à tous qu'ils ne devaient pas se chagriner de n'être point enfants, puisqu'un jour ils pourraient jouer avec toi dans les prairies du ciel; je leur ai dit que, certainement, ton sourire m'était plus doux que leurs mélodies, parce que tu ne pouvais jouer et sourire qu'en souffrant et en t'oubliant toi-même.
Ma petite épouse bien-aimée, j'ai quelque chose à te demander à mon tour. Vas-tu me refuser?... Oh! non, tu m'aimes trop pour cela. Eh bien, je voudrais changer de jeu: les quilles, ça m'amuse bien, mais je voudrais maintenant jouer à la toupie; et, si tu veux, c'est toi qui seras ma toupie. Je t'en donne une pour modèle; tu vois qu'elle n'a pas de charmes extérieurs, quiconque ne sait pas s'en servir la repoussera du pied; mais un enfant qui l'aperçoit sautera de joie et dira: Ah! que c'est amusant! ça peut marcher toute la journée sans s'arrêter!...
Moi, le petit Jésus, je t'aime, bien que tu sois sans charmes, et je te supplie de toujours marcher pour m'amuser. Mais, pour faire tourner la toupie, il faut des coups de fouet! Eh bien, laisse tes sœurs te rendre ce service, et sois reconnaissante envers celles qui seront les plus assidues à accélérer ta marche... Lorsque je me serai bien amusé avec toi, je t'emmènerai là-haut et nous pourrons jouer sans souffrir.»
Ton petit frère,
Jésus.
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J'avais l'habitude de pleurer continuellement et pour des riens, ce qui lui causait une peine très grande.
Un jour, il lui vint une idée lumineuse: prenant sur sa table de peinture une coquille de moule, et me tenant les mains pour m'obliger à ne pas m'essuyer les yeux, elle se mit à recueillir mes larmes dans cette coquille. Au lieu de continuer à pleurer, je ne pus alors m'empêcher de rire.
«Allez, me dit-elle, désormais je vous permets de pleurer tant que vous voudrez, pourvu que ce soit dans la coquille.»
Or, huit jours avant sa mort, j'avais pleuré toute une soirée en pensant à son prochain départ. Elle s'en aperçut et me dit:
«Vous avez pleuré.—Est-ce dans la coquille?»
Je ne pouvais mentir... et mon aveu l'attrista. Elle reprit:
«Je vais mourir, et je ne serai pas tranquille sur vôtre compte, si vous ne me promettez de suivre fidèlement ma recommandation. J'y attache une importance capitale pour votre âme.»
Je donnai ma parole, demandant toutefois, comme une grâce, la permission de pleurer librement sa mort.
«Pourquoi pleurer ma mort? Voilà des larmes bien inutiles. Vous pleurerez mon bonheur! Enfin, j'ai pitié de votre faiblesse et je vous permets de pleurer les premiers jours. Mais, après cela, il faudra reprendre la coquille.»
Je dois dire que j'ai été fidèle, bien qu'il m'en ait coûté des efforts héroïques.
Quand je voulais pleurer, je m'armais avec courage de l'impitoyable instrument; mais, quelque besoin que j'en eusse, le soin que je devais prendre à courir d'un œil à l'autre distrayait ma pensée du sujet de ma peine, et cet ingénieux moyen ne tarda pas à me guérir entièrement de ma trop grande sensibilité.
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Je voulais me priver de la sainte Communion pour une infidélité qui lui avait causé beaucoup de peine, mais dont je me repentais amèrement. Je lui écrivis ma résolution; et voici le billet qu'elle m'envoya:
«Petite fleur chérie de Jésus, cela suffit bien que, par l'humiliation de votre âme, vos racines mangent de la terre... il faut entr'ouvrir, ou plutôt élever bien haut votre corolle, afin que le Pain des Anges vienne, comme une rosée divine, vous fortifier et vous donner tout ce qui vous manque.
«Bonsoir, pauvre fleurette, demandez à Jésus que toutes les prières qui sont faites pour ma guérison servent à augmenter le feu qui doit me consumer.»
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«Au moment de communier, je me représente quelquefois mon âme sous la figure d'un petit bébé de trois ou quatre ans qui, à force de jouer, a ses cheveux et ses vêtements salis et en désordre.—Ces malheurs me sont arrivés en bataillant avec les âmes.—Mais bientôt la Vierge Marie s'empresse autour de moi. Elle a vite fait de me retirer mon petit tablier tout sale, de rattacher mes cheveux et de les orner d'un joli ruban ou simplement d'une petite fleur... et cela suffit pour me rendre gracieuse et me faire asseoir sans rougir au festin des anges.»
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A l'infirmerie, nous attendions à peine que ses actions de grâces fussent terminées pour lui parler et lui demander ses conseils. Elle s'en attrista d'abord et nous en fit de doux reproches. Puis bientôt elle nous laissa faire, disant:
«J'ai pensé que je ne devais pas désirer plus de repos que Notre-Seigneur. Lorsqu'il s'enfuyait au désert après ses prédications, le peuple venait aussitôt troubler sa solitude. Approchez de moi tant que vous voudrez. Je dois mourir les armes à la main, ayant à la bouche le glaive de l'esprit qui est la parole de Dieu[170].»
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«Donnez-nous un conseil pour nos directions spirituelles. Comment devons-nous les faire?
—Avec une grande simplicité, sans trop compter sur un secours qui peut vous manquer au premier moment. Vous seriez vite forcées de dire avec l'épouse des Cantiques: «Les gardes m'ont enlevé mon manteau, ils m'ont blessée; et ce n'est qu'en les DÉPASSANT un peu que j'ai trouvé Celui que j'aime!»[171] Si vous demandez humblement et sans attache où est votre Bien-Aimé, les gardes vous l'indiqueront. Toutefois, le plus souvent, vous ne trouverez Jésus qu'après avoir dépassé toute créature. Que de fois, pour ma part, n'ai-je pas répété cette strophe du Cantique spirituel:
Ne m'envoyez plus
Désormais de messagers
Qui ne savent pas me dire ce que je veux.
. . . . . . . . . . .
Tous ceux qui s'occupent de vous, sans exception,
Me parlent continuellement de vos mille grâces
Et tous me blessent encore davantage;
Et surtout ce qui me fait mourir
C'est un je ne sais quoi qu'ils ne font que balbutier[172].»
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«Si, par impossible, le bon Dieu lui-même ne voyait pas mes bonnes actions, je n'en serais pas affligée. Je l'aime tant que je voudrais pouvoir lui faire plaisir, sans qu'il sache que c'est moi. Le sachant et le voyant, il est comme obligé de me rendre... je ne voudrais pas lui donner cette peine.»
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«Si j'avais été riche, je n'aurais pu voir un pauvre ayant faim sans lui donner à manger. Je fais ainsi dans ma vie spirituelle: à mesure que je gagne quelque chose, je sais que des âmes sont sur le point de tomber en enfer, alors je leur donne mes trésors et je n'ai pas encore trouvé un moment pour me dire: «Maintenant, je vais travailler pour moi.»
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«Il y a des personnes qui prennent tout de manière à se faire le plus de peine, pour moi c'est le contraire: je vois toujours le bon côté des choses. Si je n'ai que la souffrance pure, sans aucune éclaircie, eh bien, j'en fais ma joie.»
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«Toujours ce que le bon Dieu m'a donné m'a plu, même les choses qui me paraissent moins bonnes et moins belles que celles des autres.»
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«Quand j'étais toute petite, on m'avait mis, chez ma tante, un beau livre entre les mains. En lisant une histoire, je vis qu'on louait beaucoup une maîtresse de pension parce qu'elle savait adroitement se tirer d'affaire sans blesser personne. Je remarquai surtout cette phrase: «Elle disait à celle-ci: Vous n'avez pas tort; à celle-là: Vous avez raison»; et tout en lisant, je pensais: «Oh! moi je n'aurais pas fait ainsi, il faut toujours dire la vérité.»
«Et maintenant je la dis toujours. J'ai bien plus de peine, il est vrai, car ce serait si facile, quand on vient vous raconter un ennui, de mettre le tort sur les absents; aussitôt celle qui se plaint serait apaisée. Oui, mais... je fais tout le contraire. Si je ne suis pas aimée, tant pis! Qu'on ne vienne pas me trouver si on ne veut pas savoir la vérité.»
«Pour qu'une réprimande porte du fruit, il faut que cela coûte de la faire; et il faut la faire sans une ombre de passion dans le cœur.
«Il ne faut pas que la bonté dégénère en faiblesse. Quand on a grondé avec justice, il faut en rester là et ne pas se laisser attendrir au point de se tourmenter d'avoir fait de la peine. Courir après l'affligée pour la consoler, c'est lui faire plus de mal que de bien. La laisser à elle-même, c'est la forcer à ne rien attendre du côté humain, à recourir au bon Dieu, à voir ses torts, à s'humilier. Autrement elle s'habituerait à être consolée après un reproche mérité, et elle agirait comme un enfant gâté qui trépigne et crie, sachant bien qu'il fera revenir sa mère pour essuyer ses larmes.»
«Que le glaive de l'esprit qui est la parole de Dieu demeure perpétuellement en votre bouche et en vos cœurs.»[173] Si nous trouvons une âme désagréable, ne nous rebutons pas, ne la délaissons jamais. Ayons toujours «le glaive de l'esprit» pour la reprendre de ses torts; ne laissons pas aller les choses pour conserver notre repos; combattons sans relâche, même sans espoir de gagner la bataille. Qu'importe le succès! Allons toujours, quelle que soit la fatigue de la lutte. Ne disons pas: «Je n'obtiendrai rien de cette âme, elle ne comprend pas, elle est à abandonner!» Oh! ce serait de la lâcheté! Il faut faire son devoir jusqu'au bout.»
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«Autrefois, si quelqu'un de ma famille avait de la peine, et qu'au parloir je n'avais pu réussir à le consoler, je m'en allais le cœur navré; mais bientôt, Jésus me fit comprendre que j'étais incapable de consoler une âme. A partir de ce jour, je n'avais plus de chagrin quand on s'en allait triste: je confiais au bon Dieu les souffrances de ceux qui m'étaient chers, et je sentais bien que j'étais exaucée. Je m'en rendais compte au parloir suivant. Depuis cette expérience, quand j'ai fait de la peine involontairement, je ne me tourmente pas davantage: je demande simplement à Jésus de réparer ce que j'ai fait.»
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«Que pensez-vous de toutes les grâces dont vous avez été comblée?
—Je pense que l'Esprit de Dieu souffle où il veut[174].»
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Elle disait à sa Mère Prieure:
«Ma Mère, si j'étais infidèle, si je commettais seulement la plus légère infidélité, je sens qu'elle serait suivie de troubles épouvantables, et je ne pourrais plus accepter la mort.»
Et comme la Mère Prieure manifestait sa surprise de l'entendre tenir ce langage, elle reprit:
«Je parle d'une infidélité d'orgueil. Par exemple, si je disais: «J'ai acquis telle ou telle vertu, je puis la pratiquer»; ou bien: «O mon Dieu, je vous aime trop, vous le savez, pour m'arrêter à une seule pensée contre la foi»; aussitôt, je le sens, je serais assaillie par les plus dangereuses tentations, et j'y succomberais certainement.
«Pour éviter ce malheur, je n'ai qu'à dire humblement du fond du cœur: «O mon Dieu, je vous en prie, ne permettez pas que je sois infidèle!»
«Je comprends très bien que saint Pierre soit tombé. Il comptait trop sur l'ardeur de ses sentiments au lieu de s'appuyer uniquement sur la force divine. Je suis bien sûre que s'il avait dit à Jésus: «Seigneur, donnez-moi le courage de vous suivre jusqu'à la mort», ce courage ne lui aurait pas été refusé.
«Ma Mère, comment se fait-il que Notre-Seigneur, sachant ce qui devait arriver, ne lui dit pas: «Demande-moi la force d'accomplir ce que tu veux»? Je crois que c'est pour nous montrer deux choses: la première qu'il n'apprenait rien de plus à ses Apôtres par sa présence sensible, qu'il ne nous apprend à nous-mêmes par les bonnes inspirations de sa grâce; la seconde que, destinant saint Pierre à gouverner toute l'Eglise où il y a tant de pécheurs, il voulait qu'il expérimentât par lui-même ce que peut l'homme sans l'aide de Dieu. C'est pour cela qu'avant sa chute, Jésus lui dit: «Quand tu seras revenu à toi, confirme tes frères[175]»; c'est-à-dire raconte-leur l'histoire de ton péché, montre-leur par ta propre expérience combien il est nécessaire, pour le salut, de s'appuyer uniquement sur moi.»
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* *
J'avais beaucoup de peine de la voir malade et je lui répétais souvent: «Oh! que la vie est triste!» Mais elle me reprenait aussitôt, disant:
«La vie n'est pas triste! elle est au contraire très gaie. Si vous disiez: «L'exil est triste», je vous comprendrais. On fait erreur en donnant le nom de vie à ce qui doit finir. Ce n'est qu'aux choses du ciel, à ce qui ne doit jamais mourir qu'on doit donner ce vrai nom; et, puisque nous en jouissons dès ce monde, la vie n'est pas triste, mais gaie, très gaie!...»
Elle était elle-même d'une gaieté ravissante:
Pendant plusieurs jours, elle avait été beaucoup mieux et nous lui disions: «Nous ne savons pas encore de quelle maladie vous mourrez?...
—Mais je mourrai de mort! Le bon Dieu n'a-t-il pas dit à Adam de quoi il mourrait? Il lui a dit: «Tu mourras de mort[176]!»
—Eh bien, c'est donc la mort qui viendra vous chercher!
—Non, ce n'est pas la mort qui viendra me chercher, c'est le bon Dieu. La mort n'est point un fantôme, un spectre horrible comme on la représente sur les images. Il est écrit dans le catéchisme que la mort est la séparation de l'âme et du corps, ce n'est que cela! Eh bien, je n'ai pas peur d'une séparation qui me réunira pour toujours au bon Dieu.»
«Le divin Voleur viendra-t-il bientôt voler sa petite grappe de raisin?
—Je l'aperçois de loin et je me garde bien de crier: «Au voleur!!!» Au contraire, je l'appelle en disant: «Par ici! par ici!»
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* *
Je lui disais que les plus beaux anges, vêtus de robes blanches, le visage joyeux et resplendissant, transporteraient son âme au ciel. Elle me répondit:
«Toutes ces images ne me font aucun bien; je ne puis me nourrir que de la vérité. Dieu et les anges sont de purs esprits, personne ne peut les voir des yeux du corps tels qu'ils sont en réalité. C'est pour cela que je n'ai jamais désiré les grâces extraordinaires. J'aime mieux attendre la vision éternelle.
—J'ai demandé au bon Dieu de m'envoyer un joli rêve pour me consoler de votre départ.
—Ah! voilà une chose que je n'aurais jamais faite! Demander des consolations!... Puisque vous voulez me ressembler, vous savez bien que, moi, je dis:
Oh! ne crains pas, Seigneur, que je t'éveille;
J'attends en paix le rivage des cieux...
Il est si doux de servir le bon Dieu dans la nuit et dans l'épreuve, nous n'avons que cette vie pour vivre de foi.»
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* *
«Je suis bien heureuse de m'en aller au ciel, mais quand je pense à cette parole du Seigneur: «Je viendrai bientôt et je porte ma récompense avec moi, pour rendre à chacun selon ses œuvres[177]», je me dis qu'il sera bien embarrassé pour moi: je n'ai pas d'œuvres... Eh bien! il me rendra selon ses œuvres a Lui!»
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* *
«Certainement, vous ne ferez pas une minute de purgatoire, ou bien alors personne ne va droit au ciel!
—Oh! je ne m'inquiète guère de cela; je serai toujours contente de la sentence du bon Dieu. Si je vais en purgatoire, eh bien! je me promènerai au milieu des flammes, comme les trois Hébreux dans la fournaise, en chantant le cantique de l'amour.»
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* *
«Vous serez placée dans le ciel parmi les séraphins.
—S'il en est ainsi, je ne les imiterai pas; tous se couvrent de leurs ailes à la vue de Dieu, je me garderai bien de me couvrir de mes ailes!»
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* *
Je lui montrais une photographie représentant Jeanne d'Arc consolée dans la prison par ses voix. Elle me dit:
«Je suis consolée, moi aussi, par une voix intérieure. D'en haut, les saints m'encouragent, ils me disent: «Tant que tu es dans les fers, tu ne peux remplir ta mission; mais plus tard, après ta mort, ce sera le temps de tes conquêtes.»
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* *
«Le bon Dieu fera toutes mes volontés au ciel, parce que je n'ai jamais fait ma volonté sur la terre.»
*
* *
«Vous nous regarderez du haut du ciel, n'est-ce pas?
—Non, je descendrai.»
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* *
Citons encore ce trait touchant:
Quelques mois avant la mort de sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, nous lisions au réfectoire la vie de saint Louis de Gonzague, et l'une de nos bonnes Mères fut frappée de l'affection touchante et réciproque du jeune saint et d'un vénérable religieux de la Compagnie de Jésus, le P. Corbinelli.
«C'est vous le petit Louis, dît-elle à notre sainte petite sœur, et moi je suis le vieux P. Corbinelli; quand vous serez au ciel, souvenez-vous de moi.
—Voulez-vous, ma Mère, que je vienne bientôt vous chercher?
—Non, je n'ai pas encore assez souffert.
—O ma Mère, moi je vous dis que vous avez bien assez souffert.»
Et Mère Hermance du Cœur de Jésus de répondre:
«Je n'ose encore vous dire oui... Pour une chose aussi grave, il me faut la sanction de l'autorité.»
En effet, la demande fut adressée à la Mère Prieure; et, sans y attacher d'importance, elle donna une réponse affirmative.
Or, l'un des derniers jours de sa vie, sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, ne pouvant presque plus parler en raison de sa grande faiblesse, reçut, par l'entremise de l'infirmière, un bouquet de fleurs cueillies par notre chère Mère, avec prière instante de lui transmettre ensuite, comme remerciement, un seul mot d'affection. Et voici quel fut ce mot:
«Dites à Mère du Cœur de Jésus que ce matin, pendant la messe, j'ai vu la tombe du P. Corbinelli tout près de celle du petit Louis.
—C'est bien, répondit tout émue notre bonne Mère, dites à sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus que j'ai compris...»
A partir de ce moment, elle demeura persuadée de sa mort prochaine qui arriva, en effet, un an après.
Et, suivant la prédiction du petit Louis, la tombe du P. Corbinelli se trouva tout près de la sienne.

Je compte bien ne pas rester inactive au
Ciel: mon désir est de travailler encore pour
l'Eglise et les âmes; je le demande à Dieu
et je suis certaine qu'il m'exaucera.
Acte d'offrande de moi-même, comme victime d'holocauste
à l'Amour miséricordieux du bon Dieu.
Cet écrit a été trouvé, après la mort de sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, dans le livre des saints Evangiles qu'elle portait jour et nuit sur son cœur.
O mon Dieu, Trinité bienheureuse, je désire vous aimer et vous faire aimer, travailler à la glorification de la sainte Eglise, en sauvant les âmes qui sont sur la terre et en délivrant celles qui souffrent dans le Purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m'avez préparé dans votre royaume; en un mot, je désire être sainte, mais je sens mon impuissance, et je vous demande, ô mon Dieu, d'être vous-même ma sainteté.
Puisque vous m'avez aimée jusqu'à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Epoux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi; je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu'à travers la Face de Jésus et dans son Cœur brûlant d'amour.
Je vous offre encore tous les mérites des Saints qui sont au ciel et sur la terre, leurs actes d'amour et ceux des saints Anges; enfin je vous offre, ô bienheureuse Trinité, l'amour et les mérites de la sainte Vierge, ma Mère chérie; c'est à elle que j'abandonne mon offrande, la priant de vous la présenter.
Son divin Fils, mon Epoux bien-aimé, aux jours de sa vie mortelle, nous a dit: «Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera.» (Joan., XVI, 23.) Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs... Je le sais, ô mon Dieu, plus vous voulez donner, plus vous faites désirer.
Je sens en mon cœur des désirs immenses, et c'est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah! je ne puis recevoir la sainte communion aussi souvent que je le désire; mais, Seigneur, n'êtes-vous pas Tout-Puissant? Restez en moi comme au Tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie.
Je voudrais vous consoler de l'ingratitude des méchants, et je vous supplie de m'ôter la liberté de vous déplaire. Si par faiblesse je tombe quelquefois, qu'aussitôt votre divin regard purifie mon âme, consumant toutes mes imperfections, comme le feu qui transforme toute chose en lui-même.
Je vous remercie, ô mon Dieu, de toutes les grâces que vous m'avez accordées: en particulier de m'avoir fait passer par le creuset de la souffrance. C'est avec joie que je vous contemplerai au dernier jour, portant le sceptre de la croix; puisque vous avez daigné me donner en partage cette croix si précieuse, j'espère au ciel vous ressembler, et voir briller sur mon corps glorifié les sacrés stigmates de votre passion.
Après l'exil de la terre, j'espère aller jouir de vous dans la patrie; mais je ne veux pas amasser de mérites pour le ciel, je veux travailler pour votre seul amour, dans l'unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Cœur sacré, et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement.
Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides; car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres... Toutes nos Justices ont des taches à vos yeux! Je veux donc me revêtir de votre propre Justice, et recevoir de votre amour la possession éternelle de vous-même. Je ne veux point d'autre trône et d'autre couronne que vous, ô mon Bien-Aimé!
A vos yeux, le temps n'est rien; un seul jour est comme mille ans[178]. Vous pouvez donc en un instant me préparer à paraître devant vous.
Afin de vivre dans un acte de parfait amour, JE M'OFFRE COMME VICTIME D'HOLOCAUSTE A VOTRE AMOUR MISÉRICORDIEUX, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en vous, et qu'ainsi je devienne martyre de votre amour, ô mon Dieu!
Que ce martyre, après m'avoir préparée à paraître devant vous, me fasse enfin mourir, et que mon âme s'élance sans retard dans l'éternel embrassement de votre miséricordieux amour!
Je veux, ô mon Bien-Aimé, à chaque battement de mon cœur, vous renouveler cette offrande un nombre infini de fois, jusqu'à ce que, les ombres s'étant évanouies[179], je puisse vous redire mon amour dans un face à face éternel!!!...
Marie-Françoise-Thérèse de l'Enfant-Jésus
et de la sainte Face,
rel. carm. ind.
Fête de la Très Sainte Trinité, le 9 juin,
de l'an de grâce 1895.
Consécration à la sainte Face.
(Composée pour le noviciat.)
O Face adorable de Jésus! puisque vous avez daigné choisir particulièrement nos âmes pour vous donner à elles, nous venons les consacrer à vous.
Il nous semble, ô Jésus, vous entendre nous dire: «Ouvrez-moi, mes sœurs, mes épouses bien-aimées, car ma Face est couverte de rosée, et mes cheveux sont humides des gouttes de la nuit.»[180] Nos âmes comprennent votre langage d'amour; nous voulons essuyer votre doux Visage et vous consoler de l'oubli des méchants. A leurs yeux, vous êtes encore «comme caché... ils vous considèrent comme un objet de mépris!»[181]
O Visage plus beau que les lis et les roses du printemps, vous n'êtes pas caché à nos yeux! Les larmes qui voilent votre divin regard nous apparaissent comme des diamants précieux que nous voulons recueillir, afin d'acheter, avec leur valeur infinie, les âmes de nos frères.
De votre bouche adorée, nous avons entendu la plainte amoureuse. Comprenant que la soif qui vous consume est une soif d'amour, nous voudrions, pour vous désaltérer, posséder un amour infini!
Epoux bien-aimé de nos âmes! si nous avions l'amour de tous les cœurs, cet amour serait à vous... Eh bien, donnez-nous cet amour, et venez vous désaltérer en vos petites épouses.
Des âmes, Seigneur, il nous faut des âmes! surtout des âmes d'apôtres et de martyrs; afin que, par elles, nous embrasions de votre amour la multitude des pauvres pécheurs.
O Face adorable, nous saurons obtenir de vous cette grâce! Oubliant notre exil, sur les bords des fleuves de Babylone, nous chanterons à vos oreilles les plus douces mélodies. Puisque vous êtes la vraie, l'unique patrie de nos âmes, nos cantiques ne seront pas chantés sur une terre étrangère[182].
O Face chérie de Jésus! en attendant le jour éternel, où nous contemplerons votre gloire infinie, notre unique désir est de charmer vos yeux divins, en cachant aussi notre visage, afin qu'ici-bas personne ne puisse nous reconnaître... Votre regard voilé, voilà notre ciel, ô Jésus!