A saint Joseph.
Air: Par les chants les plus magnifiques.
——
Joseph, votre admirable vie
Se passa dans l'humilité;
Mais de Jésus et de Marie
Vous contempliez la beauté!
Le Fils de Dieu dans son enfance,
Plus d'une fois, avec bonheur,
Soumis à votre obéissance
S'est reposé sur votre cœur!
Comme vous dans la solitude
Nous servons Marie et Jésus;
Leur plaire est notre seule étude,
Nous ne désirons rien de plus.
Sainte Thérèse, Notre Mère,
En vous se confiait toujours;
Elle assure que sa prière
Vous l'exauciez d'un prompt secours.
Quand l'épreuve sera finie,
Nous en avons le doux espoir,
Près de la divine Marie,
O Père, nous irons vous voir!
Alors nous lirons votre histoire
Inconnue au monde mortel;
Nous découvrirons votre gloire
Et la chanterons dans le ciel.
A mon Ange gardien.
Air: Par les chants les plus magnifiques.
——
Glorieux gardien de mon âme,
Toi qui brilles dans le beau ciel
Comme une douce et pure flamme,
Près du trône de l'Eternel;
Tu viens pour moi sur cette terre,
Et m'éclairant de ta splendeur,
Bel Ange, tu deviens mon frère,
Mon ami, mon consolateur!
Connaissant ma grande faiblesse,
Tu me diriges par la main;
Et je te vois, avec tendresse,
Oter la pierre du chemin.
Toujours ta douce voix m'invite
A ne regarder que les cieux;
Plus tu me vois humble et petite,
Et plus ton front est radieux.
O toi qui traverses l'espace
Plus promptement que les éclairs,
Vole bien souvent à ma place
Auprès de ceux qui me sont chers;
De ton aile sèche leurs larmes,
Chante combien Jésus est bon!
Chante que souffrir a des charmes,
Et tout bas murmure mon nom.
Je veux, pendant ma courte vie,
Sauver mes frères les pécheurs;
O bel Ange de la patrie,
Donne-moi tes saintes ardeurs.
Je n'ai rien que mes sacrifices,
Et mon austère pauvreté;
Unis à tes pures délices,
Offre-les à la Trinité.
A toi, le royaume et la gloire,
Les richesses du Roi des rois.
A moi, le Pain du saint ciboire,
A moi, le trésor de la Croix.
Avec la Croix, avec l'Hostie,
Avec ton céleste secours,
J'attends en paix, de l'autre vie,
Le bonheur qui dure toujours!
Février 1897.
A mes petits Frères du ciel, les saints Innocents.
Air: Le fil de la Vierge ou La Rose mousse.
«Le Seigneur rassemblera les petits Agneaux et les prendra sur son sein.» Is., XL, II.
«Heureux ceux que Dieu tient pour justes sans les œuvres! car à l'égard de ceux qui font les œuvres, la récompense n'est point regardée comme une grâce, mais comme une chose due. C'est donc gratuitement que ceux qui ne font pas les œuvres sont justifiés par la grâce, en vertu de la Rédemption dont Jésus-Christ est l'Auteur.»
Rom., IV, 4, 5, 6.
Heureux petits enfants! avec quelles tendresses
Le Roi des cieux
Vous bénit autrefois, et combla de caresses
Vos fronts joyeux!
De tous les Innocents vous étiez la figure,
Et j'entrevois
Les biens que, dans le ciel, vous donne sans mesure
Le Roi des rois.
Vous avez contemplé les immenses richesses
Du paradis,
Avant d'avoir connu nos amères tristesses,
Chers petits lis!
O boutons parfumés, moissonnés dès l'aurore
Par le Seigneur...
Le doux soleil d'amour qui sut vous faire éclore,
Ce fut son Cœur!
Quels ineffables soins, quelle tendresse exquise,
Et quel amour
Vous prodigue ici-bas notre Mère l'Eglise,
Enfants d'un jour!
Dans ses bras maternels vous fûtes en prémices
Offerts à Dieu.
Toute l'éternité vous ferez les délices
Du beau ciel bleu.
Enfants, vous composez le virginal cortège
Du doux Agneau;
Et vous pouvez redire, étonnant privilège!
Un chant nouveau.
Vous êtes, sans combats, parvenus à la gloire
Des conquérants;
Le Sauveur a pour vous remporté la victoire,
Vainqueurs charmants!
On ne voit point briller de pierres précieuses
Dans vos cheveux,
Seul, le reflet doré de vos boucles soyeuses
Ravit les cieux...
Les trésors des élus, leurs palmes, leurs couronnes,
Tout est à vous!
Dans la sainte patrie, enfants, vos riches trônes
Sont leurs genoux.
Ensemble vous jouez avec les petits anges
Près de l'autel;
Et vos chants enfantins, gracieuses phalanges,
Charment le ciel!
Le bon Dieu vous apprend comment il fait les roses,
L'oiseau, les vents;
Nul génie ici-bas ne sait autant de choses
Que vous, Enfants!
Du firmament d'azur, soulevant tous les voiles
Mystérieux,
En vos petites mains vous prenez les étoiles
Aux mille feux.
En courant vous laissez une trace argentée;
Souvent le soir,
Quand je vois la blancheur de la route lactée,
Je crois vous voir.....
Dans les bras de Marie, après toutes vos fêtes,
Vous accourez;
Sous son voile étoilé cachant vos blondes têtes,
Vous sommeillez...
Charmants petits lutins, votre enfantine audace
Plaît au Seigneur;
Vous osez caresser son adorable Face,
Quelle faveur!
C'est vous que le Seigneur me donna pour modèle,
Saints Innocents!
Je veux être ici-bas votre image fidèle,
Petits enfants.
Ah! daignez m'obtenir les vertus de l'enfance;
Votre candeur,
Votre abandon parfait, votre aimable innocence
Charment mon cœur.
O Seigneur, tu connais de mon âme exilée
Les vœux ardents:
Je voudrais moissonner, beau Lis de la vallée,
Des lis brillants...
Ces boutons printaniers, je les cherche et les aime
Pour ton plaisir;
Sur eux daigne verser l'eau sainte du baptême:
Viens les cueillir!
Oui, je veux augmenter la candide phalange
Des Innocents;
Ma joie et mes douleurs, j'offre tout en échange
D'âmes d'enfants.
Parmi ces Innocents je réclame une place,
Roi des élus,
Comme eux je veux au ciel baiser ta douce Face,
O mon Jésus!
Février 1897.
La mélodie de sainte Cécile.
——
«Pendant le son des instruments, Cécile chantait en son cœur.»
Off. de L'Eglise.
O Sainte du Seigneur, je contemple ravie
Le sillon lumineux qui demeure après toi;
Je crois entendre encor ta douce mélodie,
Oui, ton céleste chant arrive jusqu'à moi!
De mon âme exilée écoute la prière,
Laisse-moi reposer sur ton cœur virginal:
Ce lis immaculé qui brilla sur la terre
D'un éclat merveilleux et presque sans égal.
O très chaste colombe, en traversant la vie
Tu ne cherchas jamais d'autre époux que Jésus;
Ayant choisi ton âme, il se l'était unie,
La trouvant embaumée et riche de vertus.
Cependant un mortel, radieux de jeunesse,
Respira ton parfum, blanche et céleste fleur;
Afin de te cueillir, de gagner ta tendresse,
Valérien voulut te donner tout son cœur.
Bientôt il prépara des noces magnifiques,
Son palais retentit de chants mélodieux;
Mais ton cœur virginal redisait des cantiques
Dont l'écho tout divin s'élevait jusqu'aux cieux...
Que pouvais-tu chanter si loin de ta patrie,
Et voyant près de toi ce fragile mortel?
Sans doute tu voulais abandonner la vie
Et t'unir pour jamais à Jésus dans le ciel?
Mais non! j'entends vibrer ta lyre séraphique,
Lyre de ton amour, dont l'accent fut si doux;
Tu chantais au Seigneur ce sublime cantique:
«Conserve mon cœur pur, Jésus, mon tendre Epoux!»
Ineffable abandon! divine mélodie!
Tu révèles l'amour par ton céleste chant:
L'amour qui ne craint pas, qui s'endort et s'oublie
Sur le Cœur de son Dieu, comme un petit enfant...
Dans la voûte d'azur parut la blanche étoile
Qui venait éclairer, de ses timides feux,
La lumineuse nuit qui nous montra sans voile
Le virginal amour des époux dans les cieux.
. . . . . . . . . . . . . . . .
Alors Valérien rêvait la jouissance,
Cécile, ton amour était tout son désir;
Il trouva plus encor dans ta noble alliance:
Tu lui montras d'en haut l'éternel avenir!
«Jeune ami, lui dis-tu, près de moi toujours veille
«Un Ange du Seigneur qui garde mon cœur pur;
«Il ne me quitte pas, même quand je sommeille,
«Et me couvre joyeux de ses ailes d'azur.
«La nuit, je vois briller son aimable visage
«D'un éclat bien plus doux que les feux du matin;
«Sa face me paraît la transparente image,
«Le pur rayonnement du Visage divin.»
Valérien reprit: «Montre-moi ce bel Ange,
«Afin qu'à ton serment je puisse ajouter foi;
«Autrement, crains déjà que mon amour ne change
«En terrible fureur, en haine contre toi.»
O colombe cachée aux fentes de la pierre,
Tu ne redoutais pas les filets du chasseur!
La Face de Jésus te montrait sa lumière,
L'Evangile sacré reposait sur ton cœur...
Tu lui dis aussitôt avec un doux sourire:
«Mon céleste Gardien exauce ton désir;
«Bientôt tu le verras, il daignera te dire
«Que pour voler aux cieux, tu dois être martyr...
«Mais avant de le voir, il faut que le baptême
«Répande dans ton âme une sainte blancheur;
«Il faut que le vrai Dieu l'habite par lui-même,
«Il faut que l'Esprit-Saint donne vie à ton cœur.
«Le Verbe, Fils du Père, et le Fils de Marie,
«Dans son immense amour s'immole sur l'autel;
«Tu dois aller t'asseoir au Banquet de la vie,
«Afin de recevoir Jésus, le Pain du ciel.
«Alors le Séraphin t'appellera son frère,
«Et, voyant dans ton cœur le trône de son Dieu,
«Il te fera quitter les plages de la terre;
«Tu verras le séjour de cet esprit de feu.»
—«Je sens brûler mon cœur d'une nouvelle flamme»,
S'écria, transformé, l'ardent patricien;
«Je veux que le Seigneur habite dans mon âme,
«Cécile, mon amour sera digne du tien!»
Revêtu de la robe, emblème d'innocence,
Valérien put voir le bel Ange des deux;
Il contempla ravi sa sublime puissance,
Il vit le doux éclat de son front radieux.
Le brillant Séraphin tenait de fraîches roses,
Il tenait de beaux lis éclatants de blancheur...
Dans les jardins du ciel, ces fleurs étaient écloses
Sous les rayons d'amour de l'Astre créateur.
—«Epoux chéris des cieux, les roses du martyre
«Couronneront vos fronts, dit l'Ange du Seigneur.
«Il n'est pas une voix, il n'est pas une lyre
«Capable de chanter cette grande faveur.
«Je m'abîme en mon Dieu, je contemple ses charmes,
«Mais je ne puis pour lui m'immoler et souffrir,
«Je ne puis lui donner ni mon sang, ni mes larmes;
«Pour dire mon amour, je ne saurais mourir.
«La pureté, de l'Ange est le brillant partage,
«Son immense bonheur ne doit jamais finir;
«Mais sur le Séraphin vous avez l'avantage:
«Vous pouvez être purs et vous pouvez souffrir!
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
«De la virginité, vous voyez le symbole
«Dans ces lis embaumés, doux présent de l'Agneau;
«Vous serez couronnés de la blanche auréole,
«Vous chanterez toujours le cantique nouveau...
«Votre chaste union enfantera des âmes
«Qui ne rechercheront d'autre époux que Jésus;
«Vous les verrez briller comme de pures flammes,
«Près du trône divin, au séjour des élus.»
Cécile, prête-moi ta douce mélodie;
Je voudrais convertir à Jésus tant de cœurs!
Je voudrais, comme toi, sacrifier ma vie,
Je voudrais lui donner tout mon sang et mes pleurs...
Obtiens-moi de goûter, sur la rive étrangère,
Le parfait abandon, ce doux fruit de l'amour;
O Sainte de mon cœur! bientôt, loin de la terre,
Obtiens-moi de voler près de toi, sans retour...
28 avril 1893.
Cantique de sainte Agnès.
Air: Le Lac (Niedermeyer).
——
Le Christ est mon amour, il est toute ma vie,
Il est le Fiancé qui seul ravit mes yeux;
J'entends déjà vibrer de sa douce harmonie
Les sons mélodieux.
Mes cheveux sont ornés de pierres précieuses,
Déjà brille à mon doigt son anneau nuptial;
Il a daigné couvrir d'étoiles lumineuses
Mon manteau virginal.
Il a paré ma main de perles sans pareilles,
Il a mis à mon cou des colliers de grand prix;
En ce jour bienheureux, brillent à mes oreilles
De célestes rubis.
Oui, je suis fiancée à Celui que les Anges
Serviront en tremblant toute l'éternité;
La lune et le soleil racontent ses louanges,
Admirent sa beauté.
Son empire est le ciel, sa nature est divine,
Une Vierge ici-bas, pour Mère, il se choisit;
Son Père est le vrai Dieu qui n'a pas d'origine,
Il est un pur esprit.
Lorsque j'aime le Christ et lorsque je le touche,
Mon cœur devient plus pur, je suis plus chaste encor;
De la virginité, le baiser de sa bouche
M'a donné le trésor...
Il a déjà posé son signe sur ma face,
Afin que nul amant n'ose approcher de moi;
Mon cœur est soutenu par la divine grâce
De mon aimable Roi.
De son sang précieux je suis tout empourprée,
Je crois goûter déjà les délices du ciel!
Et je puis recueillir sur sa bouche sacrée
Le lait avec le miel.
Aussi je ne crains rien, ni le fer, ni la flamme,
Non, rien ne peut troubler mon ineffable paix;
Et le feu de l'amour qui consume mon âme
Ne s'éteindra jamais...
Au Vénérable Théophane Vénard.
Air: Les adieux du Martyr.
——
Tous les élus célèbrent tes louanges,
O Théophane, angélique martyr!
Et je le sais, dans les saintes phalanges,
Le Séraphin aspire à te servir.
Ne pouvant pas, sur la rive étrangère,
Mêler ma voix à celle des élus,
Je veux du moins, sur cette pauvre terre,
Prendre ma lyre et chanter tes vertus.
Ton court exil fut comme un doux cantique
Dont les accents savaient toucher les cœurs,
Et, pour Jésus, ton âme poétique,
A chaque instant, faisait naître des fleurs...
En t'élevant vers la céleste sphère,
Ton chant d'adieu fut encore printanier;
Tu murmurais: «Moi, petit éphémère,
«Dans le beau ciel, je m'en vais le premier!»
Heureux martyr, à l'heure du supplice,
Tu savourais le bonheur de souffrir!
Souffrir pour Dieu te semblait un délice;
En souriant, tu sus vivre et mourir.
A ton bourreau tu t'empressas de dire,
Lorsqu'il t'offrit d'abréger ton tourment:
«Plus durera mon douloureux martyre,
«Mieux ça vaudra, plus je serai content!»
Lis virginal, au printemps de ta vie,
Le Roi du ciel entendit ton désir;
Je vois en toi «la fleur épanouie
«Que le Seigneur cueillit pour son plaisir».
Et maintenant tu n'es plus exilée,
Les bienheureux admirent ta splendeur;
Rose d'amour, la Vierge immaculée
De ton parfum respire la fraîcheur...
Soldat du Christ, ah! prête-moi tes armes;
Pour les pécheurs, je voudrais ici-bas
Lutter, souffrir, donner mon sang, mes larmes;
Protège-moi, viens soutenir mon bras.
Je veux pour eux, ne cessant pas la guerre,
Prendre d'assaut le royaume de Dieu;
Car le Seigneur apporta sur la terre,
Non pas la paix, mais le glaive et le feu.
Je la chéris, cette plage infidèle
Qui fut l'objet de ton ardent amour;
Avec bonheur je volerais vers elle,
Si mon Jésus le demandait un jour...
Mais devant lui s'effacent les distances;
Il n'est qu'un point tout ce vaste univers!
Mes actions, mes petites souffrances
Font aimer Dieu jusqu'au delà des mers.
Ah! si j'étais une fleur printanière
Que le Seigneur voulût bientôt cueillir!
Descends du ciel à mon heure dernière,
Je t'en conjure, ô bienheureux Martyr!
De ton amour aux virginales flammes,
Viens m'embraser en ce séjour mortel,
Et je pourrai voler avec tes âmes
Qui formeront ton cortège éternel.
2 février 1897.
TROISIÈME PARTIE
————
La Bergère de Domremy
écoutant ses Voix.
Fragments.
Récréation Pieuse
——
Moi, Jeanne la bergère,
Je chéris mon troupeau;
Ma houlette est légère
Et j'aime mon fuseau.
J'aime la solitude
De ce joli bosquet;
J'ai la douce habitude
D'y venir en secret.
J'y tresse une couronne
De belles fleurs des champs;
Je l'offre à la Madone
Avec mes plus doux chants.
J'admire la nature,
Les fleurs et les oiseaux;
Du ruisseau qui murmure
Je contemple les eaux.
Les vallons, les campagnes
Réjouissent mes yeux;
Le sommet des montagnes
Me rapproche des cieux.
J'entends des voix étranges
Qui viennent m'appeler...
Je crois bien que les anges
Doivent ainsi parler.
J'interroge l'espace,
Je contemple les cieux;
Je ne vois nulle trace
D'êtres mystérieux.
Franchissant le nuage
Qui doit me les voiler,
Au céleste rivage
Que ne puis-je voler!
. . . . .
. . . . .
. . . . .
Sainte Catherine et Sainte Marguerite.
Air: L'Ange et l'âme.
Aimable enfant, notre douce compagne,
Ta voix si pure a pénétré le ciel,
L'Ange gardien qui toujours t'accompagne
A présenté tes vœux à l'Eternel.
Nous descendons de son céleste empire,
Où nous régnons pour une éternité;
C'est par nos voix que Dieu daigne te dire
Sa volonté.
Il faut partir pour sauver la patrie,
Garder sa foi, lui conserver l'honneur;
Le Roi des cieux et la Vierge Marie
Sauront toujours rendre ton bras vainqueur.
(Jeanne pleure.)
Console-toi, Jeanne, sèche tes larmes,
Prête l'oreille et regarde les cieux:
Là, tu verras que souffrir a des charmes,
Tu jouiras de chants harmonieux.
Ces doux refrains fortifieront ton âme
Pour le combat qui doit bientôt venir;
Jeanne, il te faut un amour tout de flamme,
Tu dois souffrir!
Pour l'âme pure, en la nuit de la terre,
L'unique gloire est de porter la croix;
Un jour au ciel, ce sceptre tout austère
Sera plus beau que le sceptre des rois.
Saint Michel.
Air: Partez, hérauts.
Je suis Michel, le gardien de la France,
Grand Général au royaume des cieux;
Jusqu'aux enfers j'exerce ma puissance,
Et le démon en est tout envieux.
Jadis aussi, très brillant de lumière,
Satan voulut régner dans le saint lieu;
Mais je lançai comme un bruit de tonnerre
Ces mots: «Qui peut égaler Dieu?»
Au même instant la divine vengeance,
Creusant l'abîme, y plongea Lucifer;
Car pour l'ange orgueilleux il n'est point de clémence,
Il mérite l'enfer.
Oui, c'est l'orgueil qui, renversant cet ange,
De Lucifer a fait un réprouvé:
Plus tard aussi, l'homme chercha la fange,
Mais de secours il ne fut pas privé.
C'est l'Eternel, le Verbe égal au Père,
Qui, revêtant la pauvre humanité,
Régénéra son œuvre tout entière
Par sa profonde humilité.
Ce même Dieu daigne sauver la France;
Mais ce n'est pas par un grand conquérant.
Il rejette l'orgueil et prend de préférence
Un faible bras d'enfant.
Jeanne, c'est toi que le ciel a choisie,
Il faut partir pour répondre à sa voix;
Il faut quitter tes agneaux, ta prairie,
Ce frais vallon, la campagne et les bois.
Arme ton bras! vole et sauve la France!
Va... ne crains rien, méprise le danger;
Va! je saurai couronner ta vaillance,
Et tu chasseras l'étranger.
Prends cette épée et la porte à la guerre;
Depuis longtemps Dieu la gardait pour toi:
Prends pour ton étendard une blanche bannière,
Et va trouver le roi...
Jeanne seule.
Air: La plainte du Mousse.
Pour vous seul, ô mon Dieu, je quitterai mon père,
Tous mes parents chéris et mon clocher si beau.
Pour vous je vais partir et combattre à la guerre,
Pour vous je vais laisser mon vallon, mon troupeau.
Au lieu de mes agneaux je conduirai l'armée...
Je vous donne ma joie et mes dix-huit printemps!
Pour vous plaire, Seigneur, je manierai l'épée,
Au lieu de me jouer avec les fleurs des champs.
Ma voix, qui se mêlait au souffle de la brise,
Doit bientôt retentir jusqu'au sein du combat;
Au lieu du son rêveur d'une cloche indécise,
J'entendrai le grand bruit d'un peuple qui se bat!
Je désire la croix, j'aime le sacrifice:
Ah! daignez m'appeler, je suis prête à souffrir.
Souffrir pour votre amour, ô Maître, c'est délice!
Jésus, mon Bien-Aimé, pour vous je veux mourir...
Saint Michel.
Air: Les Rameaux (de Faure).
Il en est temps, Jeanne, tu dois partir.
C'est le Seigneur qui t'arme pour la guerre;
Fille de Dieu, ne crains pas de mourir,
Bientôt viendra l'éternelle lumière!
Sainte Marguerite.
O douce enfant, tu régneras.
Sainte Catherine.
Tu suivras de l'Agneau la trace virginale...
Les deux Saintes ensemble.
Comme nous tu chanteras
Du Dieu Très-Haut, la puissance royale.
Saint Michel.
Jeanne, ton nom est écrit dans les cieux,
Avec les noms des sauveurs de la France;
Tu brilleras d'un éclat merveilleux,
Comme une reine en sa magnificence.
Les saintes offrant à Jeanne la palme et la couronne.
Avec bonheur nous contemplons
Ce reflet qui déjà sur ta tête rayonne,
Et du ciel nous t'apportons.
Sainte Catherine.
La palme du martyre.
Sainte Marguerite.
Et la couronne.
Saint Michel, présentant l'épée.
Il faut combattre avant d'être vainqueur;
Non, pas encor la palme et la couronne!
Mérite-les dans les champs de l'honneur;
Jeanne, entends-tu le canon qui résonne?
Les Saintes ensemble.
Dans les combats nous te suivrons,
Nous te ferons toujours remporter la victoire,
Et bientôt nous poserons
Sur ton front pur l'auréole de gloire.
Jeanne seule.
Avec vous, saintes bien-aimées,
Je ne craindrai pas le danger;
Je prierai le Dieu des armées,
Et je chasserai l'étranger.
J'aime la France, ma patrie;
Je veux lui conserver la foi,
Je lui sacrifierai ma vie
Et je combattrai pour mon roi.
Non, je ne crains pas de mourir,
C'est l'éternité que j'espère.
Maintenant qu'il me faut partir,
O mon Dieu, consolez ma mère...
Saint Michel, daignez me bénir!
Saint Michel.
J'entends déjà tous les élus du ciel
Chanter joyeux en écoutant la lyre
Du Pape-Roi, du Pontife immortel
Appelant Jeanne une sainte Martyre.
J'entends l'univers proclamer
Les vertus de l'enfant qui fut humble et pieuse;
Et je vois Dieu confirmer
Le beau nom de Jeanne la Bienheureuse!
En ces grands jours la France souffrira,
L'impiété souillera son enceinte;
De Jeanne, alors, la gloire brillera;
Toute âme pure invoquera la Sainte.
Des voix monteront vers les cieux,
S'harmonisant en chœur, vibrantes d'espérance:
Jeanne d'Arc, entends nos vœux;
Une seconde fois, sauve la France!
1894.