ET DE LA SAINTE FACE
HISTOIRE D'UNE AME
ÉCRITE PAR ELLE-MÊME
TABLE DES MATIÈRES | TABLE DES GRAVURES |
DÉCLARATION
Conformément au décret du Pape Urbain VIII, nous déclarons que les titres de Saint ou de Vénérable qui, dans le cours de cet ouvrage, s'appliqueraient à des personnes sur lesquelles la sainte Eglise ne s'est pas prononcée, n'ont qu'une valeur purement humaine et privée.
De même, dans les différents portraits de la servante de Dieu que nous avons publiés, comme dans l'exposé des événements et des grâces extraordinaires qui sont rapportés, nous n'entendons pas prévenir le jugement du Souverain Pontife, auquel nous nous soumettons sans réserve.

SŒUR THÉRÈSE DE L'ENFANT JÉSUS
RELIGIEUSE CARMÉLITE DU MONASTÈRE DE LISIEUX
1873-1897
O Mon Dieu, Votre amour m'a prévenue dés mon enfance, il a grandi avec moi et maintenant c'est un abîme dont je ne puis sonder la profondeur.
IMPRIMATUR:
A. QUIRIÉ, vic. gen.
Bajocis, 18ª Februarii 1911.
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LETTRE
DE
Sa Grandeur Monseigneur Lemonnier,
ÉVÊQUE DE BAYEUX ET LISIEUX
Bayeux, le 2 février 1909.
Ma Révérende Mère,
J'approuve votre dessein de faire une nouvelle édition de la Vie de Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face. Vous savez comme moi combien de faits merveilleux semblent montrer que le bon Dieu veut mettre en lumière cette petite fleur du Carmel qui s'est épanouie dans votre cloître, puis a été cueillie vite pour être transplantée au Ciel.
Elle a été, suivant l'expression de l'Apôtre, la bonne odeur de Jésus-Christ. Que son parfum mystique embaume beaucoup d'âmes!
Je vous bénis, ma Révérende Mère, et je vous prie d'agréer l'expression de mes sentiments paternellement dévoués en Notre-Seigneur.
† THOMAS,
Ev. de Bayeux et Lisieux.
LETTRES D'APPROBATION
Reçues après la première édition de l'HISTOIRE D'UNE AME
LETTRES
DE
SON ÉMINENCE LE CARDINAL GOTTI
Préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande.
J. † M.
Rome, le 5 janvier 1900.
Ma Très Révérende Mère,
Le magnifique exemplaire de l'Histoire d'une ame qui m'avait été adressé pour être offert à Notre Saint-Père le Pape Lui a été remis samedi, 30 décembre dernier.
Sa Sainteté, qui a voulu en prendre connaissance sur-le-champ, a prolongé sa lecture pendant un temps notable avec une satisfaction marquée, et m'a chargé de vous écrire en son nom, pour vous dire qu'Elle agrée cet hommage de votre piété filiale, et vous donne, ainsi qu'à votre Communauté, la Bénédiction apostolique.
En m'acquittant aujourd'hui de l'agréable mission qui m'est confiée par Sa Sainteté, je suis heureux de pouvoir vous exprimer en même temps, ma très Révérende Mère, ma vive gratitude pour le riche exemplaire du même ouvrage que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Ce que j'en ai pu voir m'a paru si attachant, que j'attends les premières heures de loisir pour en achever la lecture.
Veuillez agréer l'expression du religieux respect avec lequel j'ai la satisfaction de me dire, Très Révérende Mère,
De votre Révérence
le tout dévoué en Notre-Seigneur.
Fr. Jérome-Marie, Card. GOTTI.
Rome, le 19 mars 1900.
Ma Très Révérende Mère,
J'ai reçu, avec un sentiment de vive gratitude, le riche coffret et son précieux contenu[1], que vous avez eu la bonté de m'adresser. Cette attention délicate m'a d'autant plus touché que votre Révérence et sa communauté ont dû faire un grand sacrifice en se dépossédant en ma faveur de ces souvenirs de Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face, qui leur sont si justement chers.
Je les ai montrés au Très Révérend Père Général des Carmes déchaussés, et nous avons pensé qu'il convenait de les garder dans la caisse de la Postulation des Causes de nos Vénérables. C'est là qu'ils seront mieux sauvegardés, et l'on sera heureux de les y trouver, s'il plaît à Dieu de glorifier un jour sa fidèle servante, en lui faisant décerner les honneurs d'un culte public dans son Eglise.
Veuillez agréer, ma Révérende Mère, avec l'hommage de mon religieux dévouement, l'expression de ma vive gratitude.
Votre tout dévoué en Notre-Seigneur.
Fr. Jérome-Marie, Card. GOTTI.
LETTRE
DE
Son Eminence le Cardinal Amette,
ARCHEVÊQUE DE PARIS
Alors Evêque de Bayeux et Lisieux.
ÉVÊCHÉ
DE
BAYEUX
24 mai 1899.
Ma Révérende Mère,
L'esprit-Saint a dit que «s'il est bon de cacher le secret du roi, c'est rendre honneur à Dieu que de révéler et de publier ses œuvres».
Vous vous êtes sans doute souvenue de cette parole lorsque vous avez résolu de donner au public l'Histoire d'une ame. Dépositaire des secrets intimes de votre fille bien-aimée, Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, vous n'avez pas cru devoir garder pour vous seule et pour vos Sœurs ce qu'elle n'avait écrit que pour vous. Vous avez pensé, et de bons juges avec vous, qu'il serait glorieux à Notre-Seigneur de faire connaître les opérations merveilleuses de sa grâce dans cette âme si pure et si généreuse.
Vos espérances n'ont pas été trompées, la rapidité avec laquelle s'est épuisée la première édition de votre livre le montre assez.
Les parfums tout célestes qu'exhalent les pages écrites par votre angélique enfant ont ravi les âmes admises à les respirer, et en ont sans nul doute attiré plus d'une à la suite de l'Epoux divin.
Je demande à Notre-Seigneur de donner une bénédiction semblable et plus abondante encore à la nouvelle édition que vous préparez, et je vous prie d'agréer, ma Révérende Mère, l'expression de mon religieux et paternel dévouement.
† Léon-Adolphe,
Evêque de Bayeux et Lisieux.
LETTRE
DE
Monseigneur Jourdan de la Passardière,
ÉVÊQUE DE ROSÉA
Paris, 12 mars 1899.
Ma Révérende Mère,
Vous avez bien voulu m'envoyer l'Histoire d'une ame écrite par elle-même, et voici ma pensée sur ses pages si attachantes dans leur surnaturelle et lumineuse simplicité:
Il est impossible de lire ces pages sans y toucher du doigt, en quelque sorte, la palpable réalité de la vie surnaturelle, et rien ne vaut, aujourd'hui surtout, une telle prédication.
Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, dans une des pages les plus éloquentes sorties de sa plume, se représentait son Epoux divin comme un aigle qui venait fondre sur elle des hauteurs du Ciel et l'emportait dans la lumière et dans la flamme, vers la patrie des clartés sans ombres et sans déclin.—Or, il me semble que déjà deux grands aigles de la sainteté, en l'abritant sous leurs puissantes ailes, l'avaient préparée à monter vers ces hauteurs: ce sont sainte Thérèse et saint François d'Assise; et il est difficile de n'être pas frappé des similitudes qui rapprochent cette enfant de ces deux âmes vraiment séraphiques, ainsi que l'Eglise se plaît à les appeler l'une et l'autre dans son incomparable langage.
Sainte Thérèse, «la fleur et la gloire du Carmel: flos et decor Carmeli», ne revit-elle pas dans votre «petite fleur»? C'est la même atmosphère de forte et rayonnante piété dans sa vie de famille, quand sa mère s'endort en bénissant ses enfants, comme le fit celle de sainte Thérèse, les confiant, à l'heure de sa mort, à la Reine du Ciel, et que son père, avec une énergie de foi qui rappelle celle des Saints des jours antiques, donne quatre filles au Carmel, avec une joie qui le transfigure au travers de ses larmes.—C'est dans l'âme elle-même de l'enfant privilégiée de la grâce une ardeur incroyable pour tout ce qui est grand, noble et pur. La flamme de l'apostolat s'est allumée dans ce cœur de quinze ans, et le consume; elle ne veut respirer, vivre et souffrir que pour l'Eglise, et en particulier (signe caractéristique de sainte Thérèse et de ses filles) pour la sanctification des prêtres. Sans cesse, la pensée de cette œuvre par excellence est vivante et ardente dans ses paroles toutes brûlantes de charité, dans son attrait pour les missions lointaines, dans sa dévorante passion pour la conquête des âmes et pour le martyre de l'amour divin, à défaut de celui où elle pourrait verser son sang.
Et le séraphique saint François d'Assise, qui apparut plus d'une fois à sainte Thérèse pour l'encourager dans sa réforme du Carmel, ne revit-il pas, lui aussi, dans cette nature si délicate et si pure, éprise d'admiration et de tendresse pour toute la création qui lui parle de l'éternelle beauté, aimant le soleil et la neige, les oiseaux et les fleurs; souriant encore, sur son lit de mort, à un petit oiseau qui vient chanter dans sa cellule un dernier cantique, et mêlant aux plus ardentes paroles de l'amour divin un souvenir attendri pour sa famille de la terre, et la maison où s'écoulèrent les années de son enfance?
N'eussiez-vous pas pu chanter sur sa tombe virginale cette strophe de l'une des hymnes de la liturgie franciscaine du 4 octobre, jour de son inhumation: «Dans le jardin de roses des saints, une nouvelle fleur s'est épanouie»?
Suivons donc par la pensée et les saints désirs, l'âme de notre chère enfant, là où les grands aigles qui l'ont prise sur leurs ailes l'ont emportée dans les éternelles splendeurs: «Sicut aquila provocant ad volandum pullos suos, extendit alas suas et assumpsit eos.»—Ne pouvons-nous pas lui redire: «Vous êtes bienheureuse, vous que le Seigneur a choisie et élevée jusqu'à lui; vous habitez dans ses tabernacles»?—Maintenant: «Attirez-nous vers vous», afin que nous ne vivions aussi nous-mêmes que pour Jésus, l'Eglise et les âmes, les membres attachés à la croix que le Seigneur nous a choisie, mais le cœur en haut et les yeux au ciel pour y chercher la radieuse vision de la Face de Dieu.
Agréez, je vous prie, ma Révérende Mère, tous mes respectueux et dévoués sentiments en Notre-Seigneur.
† F.-J. Xavier,
Evêque de Roséa.
LETTRE
DU
T. Rme Père Bernardin de Sainte-Thérèse,
Général des Carmes Déchaussés.
J. † M.
P. C.
Rome, Corso d'Italia, 39,
31 août 1899.
Ma Très Révérende Mère,
Que je suis reconnaissant envers votre Révérence de ce qu'elle a eu la bonté de me faire envoyer cette ravissante «Histoire d'une ame»! L'on ne saurait parcourir ces pages sans se sentir remué jusqu'au fond de l'âme par le spectacle d'une vertu si simple, si gracieuse et en même temps si élevée et si héroïque.
Il faut que Notre-Seigneur chérisse singulièrement votre Carmel pour lui avoir fait don d'un tel trésor. Il est vrai que cet ange terrestre n'a fait, pour ainsi dire, que s'y montrer un instant, tant il avait hâte d'aller rejoindre ses frères du Ciel et de se reposer sur le Cœur de son unique Amour; mais le cloître qui a eu le bonheur de l'abriter reste embaumé du parfum et éclairé de la trace lumineuse qu'il laisse après lui.
Vous avez cru, ma Très Révérende Mère, que votre Carmel ne devait pas être seul à respirer ce parfum; que cette lumière si brillante et si pure ne pouvait rester cachée dans l'étroite enceinte d'un monastère, mais qu'elle devait étendre au loin son rayonnement bienfaisant: six mille exemplaires enlevés en l'espace d'un petit nombre de mois disent assez que vous ne vous êtes point trompée. Je me suis réjoui en apprenant qu'une nouvelle édition se préparait: elle aura, sans nul doute, le même succès que les précédentes. S'il m'était permis d'exprimer ici un vœu, ma Très Révérende Mère, je demanderais que des plumes exercées s'essayassent bientôt à rendre, en plusieurs langues, la grâce presque inimitable de celle qui a écrit l'Histoire d'une âme: l'Ordre du Carmel tout entier serait ainsi mis en possession de ce que je regarde comme un précieux joyau de famille.
Veuillez agréer, ma Très Révérende Mère, avec la nouvelle expression de ma vive gratitude, l'hommage du religieux respect avec lequel j'ai l'honneur de me dire
De votre Révérence
l'humble serviteur en Notre-Seigneur.
Fr. Bernardin de Sainte-Thérèse,
Préposé général des Carmes Déchaussés.
LETTRE
DU
Révérendissime Père Godefroy Madelaine,
Abbé des Prémontrés de Saint-Michel de Frigolet (Bouches-du-Rhône)[2].
Abbaye de Mondaye (Calvados), Vendredi Saint, 8 avril 1898.
Ma Révérende Mère,
Vous avez à plusieurs reprises sollicité de moi un mot qui pût être comme le passeport de cette biographie d'une de vos filles, auprès de ceux qui la liront. A vrai dire, je n'ai ni titre ni qualité pour vous le donner; mais comment pourrais-je refuser de vous dire tout haut que la première lecture du précieux manuscrit me charma, et que la seconde me laisse dans un ravissement inexprimable? Cette double impression, j'ose le prédire, sera éprouvée par tous ceux qui feront connaissance avec l'Histoire d'une ame.
Ce livre, en effet, est de ceux qui se recommandent par eux-mêmes. De la première ligne à la dernière, on y respire une atmosphère qui n'est plus celle de notre milieu terrestre. La chère petite sœur Thérèse aime tout ce qui lui offre un reflet de l'immatérielle Beauté de Dieu. Elle aime sa famille d'abord; elle aime la belle nature, les fleurs, les oiseaux, la goutte de rosée, la neige, le soleil, le ciel étoilé, «les espaces infinis»; elle aime les pécheurs, véritables enfants prodigues du Père céleste; elle aime Jeanne d'Arc, la libératrice de la patrie; elle aime la Vierge Immaculée; surtout elle aime d'amour pur, Jésus, son immortel Epoux.
Il y a là des pages si vivantes, si chaudes, si suggestives qu'il est presque impossible de n'en être pas saisi. On y trouve une théologie que les plus beaux livres spirituels n'atteignent que rarement à un degré aussi élevé. En les parcourant, nous ne pouvions nous défendre de penser à la Vie de sainte Thérèse écrite par elle-même. Même ton, même accent de simplicité, et parfois même profondeur. Si l'envolée de notre petite Sœur est moins puissante, si son coup d'aile est moins vigoureux que celui de la grande sainte d'Avila, on admire dans le récit de Sœur Thérèse une candeur d'enfant, une exquise naïveté jointe à une rare maturité de jugement, un fini de pensée et souvent de style qui charment l'esprit et qui vont droit au cœur.
N'est-ce pas merveille de voir comment une jeune fille de vingt et quelques années se promène avec aisance dans le vaste champ des Ecritures inspirées, pour y cueillir, d'une main sûre, les textes les plus divers et les mieux appropriés à son sujet? Parfois elle s'élève à des hauteurs mystiques surprenantes; mais toujours son mysticisme est aimable, gracieux et tout évangélique.
Il y a telle page sur l'Evangile, sur la Vierge Marie, sur la charité que pourrait signer un écrivain de race. Qu'elle raconte en prose l'histoire de son enfance et de sa vocation, ou qu'elle chante en vers ravissants l'amour de Dieu, le ciel, l'Eucharistie, elle est constamment poète, et poète du meilleur aloi. Il se peut que les règles de la prosodie ne soient pas toujours fidèlement gardées dans ces poésies improvisées; en revanche, on y sent passer un souffle d'une élévation extraordinaire.
Soulevée par l'ange qui passe près d'elle, l'âme secoue sa poussière, et s'élève doucement vers l'idéal, je veux dire vers le Dieu qui est l'éternel Amour. A lire cette suave histoire ou ces poésies si pures, vous vous croiriez volontiers devant une fresque de Fra Angelico; pour me servir d'une gracieuse expression de notre Sœur elle-même, vous croiriez entendre «une mélodie du ciel». Bref, je défie un esprit droit et pur de parcourir ces pages intimes sans se sentir pressé de devenir meilleur. N'est-ce pas le plus bel éloge que l'on puisse tracer d'un écrit de cette nature?
Laissez-moi donc vous remercier, ma Révérende Mère, d'avoir permis aux profanes de respirer le parfum de cette fleur bénie de votre Carmel. Les lecteurs de l'Histoire d'une ame—et je me persuade qu'ils seront fort nombreux—vous sauront gré de leur avoir ouvert pour un instant les grilles de votre monastère habituellement fermées au monde.
Que dis-je? Si par hasard ces délicieuses pages viennent à tomber entre les mains de quelque incroyant, j'aime à penser qu'après un premier mouvement de surprise, il voudra les lire jusqu'au bout, et qu'elles seront pour lui comme la découverte d'un monde nouveau. Qui sait si la chère petite sœur, continuant dans ce cœur son apostolat préféré d'autrefois, ne l'amènera pas doucement à Dieu et à l'Evangile?
Que si, de son mystérieux séjour, la chère sainte peut encore discerner ce qui se passe sur notre petite planète, elle sera sans doute surprise tout d'abord de voir son manuscrit ouvert au grand jour de la publicité; car vous le savez, ma Révérende Mère, c'est «pour vous seule» qu'elle y avait consigné, au courant de sa pensée et de sa plume, ou, comme elle disait, «au courant de son cœur», ces mille détails intimes de la vie de la famille ou de la vie du cloître, devant lesquels elle eût peut-être reculé, si elle eût pu deviner que le public les lirait un jour.
Mais, à n'en pas douter, son grand amour de Jésus et des âmes lui ferait accepter ce sacrifice de bon cœur; et pour la conversion de quelques pécheurs obstinés, volontiers elle ratifierait ce que vous faites, ma Révérende Mère. Vous-même, d'ailleurs, n'avez pas eu d'autre but.
Qu'il aille donc, ce cher volume, emporté sur les ailes de la divine charité. Qu'il fasse sourire, qu'il fasse pleurer, qu'il apprenne à souffrir et à aimer, à aimer Dieu, la religion et les âmes! Et qu'à tous ceux qui l'ouvriront, il répète son doux refrain: Sursum corda! En haut les cœurs!
Agréez, ma Révérende Mère, l'hommage de mon religieux dévouement en Notre-Seigneur.
Fr. G. Madelaine,
Prieur.
LETTRE
DU
Révérendissime Père dom Etienne,
Abbé de la Grande-Trappe de Mortagne (Orne).
21 janvier 1899.
Ma Révérende Mère,
Je me ferais volontiers le propagateur et l'apologiste des écrits et des vertus admirables de votre sainte enfant; mais, il faut l'avouer, cette petite gâtée de Notre-Seigneur n'a besoin de l'éloge de personne; son mérite lui suffit devant Dieu et devant les hommes.
Cependant d'autres ascètes, vous pouvez vous y attendre, ne manqueront pas, en lisant de si belles pages, de vous apporter le tribut de leurs félicitations et de leur approbation; pour moi, ma Révérende Mère, je reste sous le charme de cet écho du Ciel, de cet ange terrestre qui a passé ici-bas d'un vol rapide, sans ternir ses ailes, et qui nous a enseigné, autant par son langage que par ses actes, le chemin qu'il faut suivre pour aller à Dieu.
Je ne suis pas surpris de la rapidité de l'écoulement de la première édition. Quand on a lu le précieux volume de l'Histoire d'une ame, on voudrait que tout le monde le lût, tant il renferme de charmes, de piété, de doctrine, de naturel et de surnaturel, d'humain et de divin. C'est Notre-Seigneur humanisé, rendu palpable, sensible, cultivant avec un amour incessant cette fleurette du Carmel qu'il fait germer, grandir, et qu'il embaume des plus suaves parfums, pour les délices de son Cœur et le ravissement du nôtre.
Il y a là une spiritualité douce, vivante, pratique, entraînante, enviable, qui fait comprendre et aimer la parole de Jésus: «Mon joug est doux, et mon fardeau léger.» Il n'est personne qui ne se délecte dans cette lecture et qui n'y trouve une lumière et un encouragement.
Je vous remercie pour mes religieux et pour moi. Elle nous a fait le plus grand bien.
Veuillez agréer, ma Révérende Mère, l'hommage de mon religieux respect.
F.-M. Etienne,
Abbé de la Grande-Trappe.
LETTRE
DU
Très Révérend Père Le Doré,
Supérieur Général des Eudistes.
Paris, 14 février 1899.
Nos cum Prole pia benedicat Virgo Maria!
Ma Révérende Mère,
Vous voulez rééditer, me dites-vous, ce délicieux volume qu'on a si bien nommé l'Histoire d'une âme. C'est là, ma Révérende Mère, une pensée excellente que seul le bon Dieu a pu vous inspirer.
Pendant la vie de votre jeune sœur Thérèse, la Providence a jugé bon de la réserver tout entière à ses sœurs en religion. Il était bien juste que le Carmel de Lisieux fût le premier à jouir, dans l'intimité de la famille, de ses qualités aimables et à s'édifier de ses vertus. Mais désormais les limites d'un monastère sont trop étroites pour renfermer un si précieux trésor. Bien des âmes dans les Congrégations religieuses, dans les rangs du Clergé, et même dans le monde, seront ravies, comme vous, de pouvoir goûter les charmes de cette petite fleur qui s'est épanouie si délicieusement dans votre Carmel.
Elle offre à la fois la blancheur du lis, le suave parfum de la violette et l'éclat embaumé de la rose. Elles sont rares les natures aussi riches et aussi complètes; et même dans la série de nos saintes catholiques, on en rencontre peu qui soient un modèle aussi accompli de toutes les vertus. Par certains côtés, elle se rapproche de votre Fondatrice, Thérèse de Jésus; par d'autres, elle rappelle Agnès, la jeune martyre de Rome. Elle est de l'école de sainte Gertrude et de sainte Hildegarde.
Son caractère conserve jusqu'à la fin les grâces naïves et la franche droiture du jeune âge. Elle est l'idéal de cette petitesse, de cette enfance si recommandée par Notre-Seigneur. Son imagination est d'une fraîcheur exquise. Quelle largeur dans son intelligence; quelle finesse dans son coup d'œil; quelle sûreté dans son jugement! Rien de poétique comme ses aspirations et son langage; rien de noble, de généreux, de délicat et d'aimant comme son cœur; et cependant, dans une enveloppe fragile, elle sait montrer la force d'âme d'un héros. C'est dans le Cœur de Jésus qu'elle a puisé son humilité et sa douceur; c'est le Cœur de Marie qui lui a appris à être si pleine d'abandon et de confiance dans la bonté de Dieu. Avec quelle candeur vraie, avec quelle loyauté faite de détachement et de sincérité, elle nous retrace dans un style limpide l'histoire de sa vie, et, ce qui est encore plus attrayant, l'histoire de son âme!
Même au point de vue littéraire, pour le style et pour la composition, ses mémoires forment un véritable petit chef-d'œuvre.
Quiconque aura ouvert ce livre le lira jusqu'au bout; il fera comme moi, il le relira, il le goûtera, je puis même ajouter, il le consultera. Les heures coulent rapides à parcourir des pages où la vertu se montre sans fard ni recherche, et pourtant avec des formes pleines de charmes. On suit sœur Thérèse, sans s'en douter, dans son vol vers l'idéal, on plane avec elle aux sommets de la perfection; dans sa compagnie on aime plus ardemment le bon Dieu; on est plus disposé à servir et à supporter son prochain; les souffrances deviennent presque aimables, et dans l'épreuve, on se sent plus fort. L'Histoire et l'Héroïne plaisent et rendent meilleur.
J'ai déjà fait lire à des prêtres, à des dames du monde, ici aux novices de notre Congrégation, l'exemplaire que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Tous en ont été enchantés, et tous en ont tiré profit.
Veuillez agréer, ma Révérende Mère, l'expression de mon plus religieux et profond respect.
Ange Le Doré,
Supérieur des Eudistes.
LETTRE
DU
T. R. P. Louis Th. de Jésus agonisant,
De l'Ordre des Passionnistes.
Ce vénérable religieux, remarquable par ses écrits et plus encore par la sainteté de sa vie, souvent prouvée par des faits surnaturels, mourut en 1907 à l'âge de quatre-vingt-neuf ans, après avoir exercé, à plusieurs reprises, les premières charges de son Ordre.
J. P.
†
Mérignac, 30 novembre 1898.
Ma Révérende et chère Mère,
Merci!... Ah! c'est un grand merci que je vous dois... Pendant trois jours, grâce à vous, j'ai vécu avec un Ange!
Que Dieu est admirable! quelle nouvelle invention de sainteté, j'ose dire, inconnue jusqu'à ce jour! Quelle révélation est faite au monde! C'est bien un genre de sainteté suscité par l'Esprit-Saint pour l'heure présente où tant d'âmes, même chrétiennes, ne voient dans les sacrifices du cloître que les horreurs de la Croix.
Quelle gloire pour le Carmel et quelle espérance pour tous!
Cette petite étoile, sous le souffle d'en haut, est sortie de sa petite nuée; et déjà elle brille comme un arc-en-ciel, annonçant la fin des orages... fleur des roses... lis de la vallée; encens du Carmel: Arcus refulgens inter nebulas... flos rosarum, lilium... thus... Ce parfum virginal embaume le Calvaire de toutes les fleurs du Carmel.
De plus, cette Histoire d'une ame, en offrant un modèle accompli de la paternité chrétienne, fera autant de bien à la société qu'au cloître. C'est la famille surtout qui a besoin d'être sanctifiée, et elle le sera: Joachim et Anne ont donné avec joie leur Marie au Seigneur.
Le Carmel, lui, a ses anges; et combien de jeunes âmes accourront sur la montagne sainte, aux rayonnements de ce nouvel astre qui monte au firmament!
J'en ai l'intime conviction, cette petite étoile deviendra de plus en plus radieuse dans l'Eglise de Dieu... Ce n'est encore que l'étoile du matin au milieu d'une petite nuée: STELLA MATUTINA IN MEDIO NEBULÆ. Mais un jour, elle remplira la Maison du Seigneur: implebit domum Domini. Si Dieu l'a envoyée en nos jours de ténèbres, en nos jours de nuages et de tourbillons, croyons bien que c'est pour nous apporter la lumière, la paix, l'espérance, le ciel!
Non, au ciel, aucune des aspirations de cette vierge apostolique n'est oubliée; et le divin Epoux, en faisant de sa petite reine une grande Reine, a déjà remis en sa main le sceptre de sa toute-puissance.
C'est maintenant que, dans les bras de son Amour, elle lui répète avec un charme qui le ravit: «Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre.»—Quelles grâces pourrait-il lui refuser?
Aussi l'ai-je invoquée avec je ne sais quel irrésistible attrait. Mes forces, je veux les ranimer aux énergies de sa vertu, et réchauffer mon cœur aux flammes de ce Séraphin. Je l'ai priée, cette privilégiée de Marie, de venir à mon aide quand j'adresse à la Vierge Immaculée la prière qui fut la sienne:
«Toi qui vins me sourire au matin de ma vie,
Viens me sourire encor, Mère, voici le soir...»
Je m'arrête... mais, que ne faudrait-il pas dire de ses poésies, si gracieuses, si fraîches, si limpides; j'ajoute, si célestes! on croirait une lyre touchée par la main d'un ange.
Il a été dit en cette fin de siècle: «La poésie est morte.» Non, elle n'est pas morte, elle est immortelle; fille du ciel, avec sa sœur la prière, elle s'élèvera toujours du cloître vers Dieu en aspirations brûlantes, en harmonieux élans!...
Et vous, ma Révérende et chère Mère, priez pour moi cette triomphante fille de Thérèse, priez-la de m'obtenir du divin Epoux le bonheur et la grâce d'aller célébrer avec elle la gloire de la Trinité Sainte.
In Christo Jesu.
P. Louis Th., Passionniste.
Extraits de plusieurs autres Lettres
de personnages éminents.
J'espère fermement qu'un jour (et plût à Dieu que ce fût bientôt), cette enfant sera vénérée sur nos autels.
Comme dans les écrits de l'insigne Réformatrice du Carmel, on respire dans ceux de sa fille le plus délicieux mysticisme,—non un mysticisme vague, aérien et sentimental—mais un mysticisme solide, légitime, «avec sa croix et ses épines», comme disait Bossuet au sujet de saint François de Sales. L'âme de sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, comme celle de sainte Thérèse de Jésus, ne vivait que du pur amour, de l'ardente charité, et voilà pourquoi elle se nourrissait de souffrance et n'aspirait qu'au martyre, qui est l'expression suprême de l'amour et de la souffrance.
On peut dire de l'une et de l'autre, avec autant de vérité, qu'elles furent martyres mystiques, qu'elles moururent de leur pur amour.
Béni soit le Seigneur, dont la main toujours ouverte et bienfaisante fait resplendir encore de nos jours, dans le jardin de son Eglise, ces extraordinaires et merveilleuses fleurs!
Mgr l'Archevêque d'Evora.
(Edition portugaise de l'«Histoire d'une Ame».)
——
Séraphin, elle l'était de visage et d'âme, et l'on peut dire d'elle ce que saint Bonaventure dit de saint François: qu'elle était tout entière un charbon embrasé. «L'amour divin est feu et flamme», nous dit le Cantique des cantiques, et Jésus, l'amour substantiel, déclare qu'il est «venu jeter ce feu sur la terre et qu'il veut qu'il s'allume». Le cœur de sœur Thérèse en est un brandon très ardent, une pure flamme du Paradis dont jamais l'ardeur ne s'est ralentie, et qui a embrasé et embrasera bien d'autres cœurs. Et cela avec quelle force et en même temps quelle douceur! On peut dire d'elle en vérité, avec un petit changement du texte sacré: «Elle nous entraîne et nous courons à l'odeur de ses parfums.»
Heureuse victime qui, non seulement a été consumée par le feu et les flammes de l'amour divin, mais a encore reçu le don si beau de les communiquer puissamment aux âmes! Les vies de Saints nous racontent les feux de l'amour divin: la vie de sœur Thérèse nous les fait voir et sentir; les autres nous donnent envie d'aimer Dieu, mais celle-là met le feu dans l'âme.
——
En lisant cette vie, ne croirait-on pas lire les paroles de feu et de science divine d'un des docteurs les plus élevés, les plus profonds et les plus suaves de l'Eglise?
Et il n'y a pas que les personnes consacrées à Dieu qu'elle ranime et entraîne; les personnes du monde elles-mêmes ne peuvent se dérober à son influence apostolique. Oh! que Jésus soit mille et mille fois béni de nous l'avoir donnée!
——
Si j'en juge par le spectacle des étonnantes transformations opérées par cette petite sainte, il me semble qu'elle sera à son siècle ce que les Gertrude, les Thérèse, les Marguerite-Marie ont été au leur, avec cette différence que, plus encore que ces hérauts de Dieu, Thérèse de l'Enfant-Jésus a montré la voie qui conduit à l'amour, voie petite et sublime à la fois qui, loin d'effrayer, encourage et attire.
——
Je ne puis assez vous dire avec quelles délices j'ai lu l'«Histoire d'une âme»; je préférerais la disparition des chefs-d'œuvre d'Homère, Virgile ou Raphaël à celle de ce livre où l'amour divin resplendit si vivement.
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Aux yeux du monde, je suis un homme de science qui a épuisé sa vie dans l'étude des lettres ecclésiastiques et profanes; mais dans la vie intime, aux yeux de Dieu, je veux imiter Thérèse et me faire un tout petit enfant. Voilà ce qui, dans la chère «petite reine», m'a ravi d'une manière irrésistible.
Heureuse enfant qui a compris pleinement l'amour! Tant d'âmes, même bien saintes, le comprennent si mal! Sous ce rapport le cœur de Thérèse est un des plus beaux de l'Eglise.